La population du Nord-du-Québec est nettement plus jeune que l’ensemble de la population québécoise. En 2015, l’âge moyen y est de 31,9 ans, comparativement à 41,7 ans dans l’ensemble du Québec. La part des jeunes de moins de 20 ans s’élève à 34,9 %, tandis qu’elle est de 20,7 % à l’échelle québécoise. Le poids démographique de la population d’âge dit actif, soit les 20-64 ans (57,9 %), est également inférieur à celui du Québec (61,7 %).
Soigner en région nordique
Une population à la fois jeune et vieillissante
Même si la population autochtone est jeune, elle est aussi vieillissante. En 2006, 4,8 % de la population autochtone était âgée de 65 ans et plus. Cette proportion a augmenté pour atteindre 7,3 % en 2016. La part de la population autochtone de ce groupe d’âge, toutes proportions gardées, demeure bien en-deçà des données portant sur l’ensemble du québécois (17,6 %).
Source : Institut de la statistique du Québec; Bulletin statistique régional – Nord-du-Québec; 2016
Pour offrir des soins à cette population particulière, sur cet immense territoire, les professionnelles en soins exercent un « rôle élargi ».
« Le rôle élargi est défini dans la convention collective, il est normé. C’est ce qui permet à une infirmière en dispensaire de faire des évaluations et des prescriptions. Un bon exemple de rôle élargi, ce sont les points de suture. Au Sud, ce ne sont que les médecins qui en font. Ou encore, l’examen gynécologique symptomatique qui est très ancré dans la pratique infirmière du Nord, mais qui n’est fait que par des gynécologues au Sud. Le Médévac, par exemple, fait partie de la pratique élargie. Ce n’est pas un rôle défini, mais il faut accompagner nos patients lors des évacuations médicales d’urgence. »
- Cyril Gabreau, infirmier clinicien en santé communautaire
« C’est en raison de la possibilité de pratiquer en rôle élargi que le Grand Nord m’a attiré. Je veux utiliser toutes mes capacités, être en constante évolution, je veux comprendre mon patient, sa maladie, comment améliorer sa vie. Je veux faire de la maternité, de la psychiatrie, je veux tout faire comme infirmière. C’est passionnant ! »
- Danica Dragon Jacimovic, infirmière en dispensaire
« Il faut se demander constamment comment une infirmière dans la même situation, dans le même contexte, aurait agi. Il n’y a pas de filet de sécurité, comme un médecin ou un pharmacien présent sur place. Il faut faire preuve de vigilance en tout temps. C’est le jugement clinique et l’expérience qui comptent. C’est le facteur humain qui entre en ligne de compte. »
- France Roberge, infirmière en dispensaire
Saviez-vous que…
Une grande partie du territoire du Nord-du-Québec n’est pas couverte par les services 811 et 911. Ce sont les professionnelles en soins sur place qui sont premières répondantes dans ces secteurs. Elles font le triage au téléphone et déterminent si elles doivent voir ou non le patient.
Hyperstimulant, l’exercice du rôle élargi est aussi source de stress et de chocs :
- Avoir pratiqué aux soins intensifs, à l’urgence, ça aide. Ça permet d’apprendre la gestion du stress, de l’adrénaline.
- Il y a des pièges, il faut nommer les choses comme il faut. Toute personne qui travaille au Nord cumule des petits chocs post-traumatiques de différents types.
- On débrief de plus en plus, c’est moins tabou. Avant, on passait simplement à autre chose.
- Si on ne parle pas de ce qu’on vit, on « pète au frette ». Cela explique en partie le haut taux de roulement.
Cette responsabilité accrue s’accompagne d’un rythme de travail différent :
- Il y a moins de surcharge de travail au Nord : je prends le temps nécessaire pour voir mes patients, un à la fois. Je n’ai pas à justifier mon temps. C’est notre responsabilité professionnelle qui embarque.
- Au Sud on distribue des soins, au Nord, on donne des soins. L’humanisation des soins, c’est très important. Le rythme de travail au Sud est tel qu’on ne peut soigner de cette façon-là.
Soigner les enfants
« En périnatalité, au Nord, l’infirmière suit la patiente tout au long de son cheminement de soins. Elle prend en charge les futures mères, de l’annonce de la grossesse jusqu’à un an après la naissance, de manière complète et intégrée. L’enfant est pris en charge de sa naissance jusqu’à ses 9 ans, puisqu’il s’agit d’une clientèle vulnérable. »
- Nagia Idel Mehdaoui, conseillère en soins infirmiers
Soigner les aînés
« Il faut comprendre qu’au Nunavik, il existe deux sortes d’aînés. Il y a ceux qui sont encore capables de partager leur histoire, leur expérience et leur sagesse. Et il y a aussi ceux qui vivent plus vieux et qui subissent les pathologies liées à la vieillesse. Il y a à peine 70 ans, les Inuits étaient toujours nomades. Pour une question de survie, les individus qui n’étaient plus capables de rendre service au clan étaient tout simplement laissés derrière, sur la banquise ou dans la toundra. En fait, c’était leur dernière contribution à la survie des autres. Soigner les aînés d’aujourd’hui représente un défi. Il est important de préserver leur dignité. »